Emmanuelle Le Roy-Real pour le Service régional de l'Inventaire général - direction régionale des Affaires culturelles de haute-normandie - Edité par Connaissance du Patrimoine de "Haute-Normandie"
Jusqu'au18e siècle l'activité drapière se développe sous la forme proto-industrielle du travail à domicile, caractérisé par l'éparpillement généralisé de la production en ville et à la campagne. Ce système n'exige pas la construction de bâtiments industriels proprement dits. Le tissage et les opérations d'apprêts sont réalisées à la main dans des ateliers urbains installés dans des maisons. Seuls les «greniers-étentes» où sèchent les pièces de draps permettent d'identifier ces petits ateliers avec leurs combles ouverts.
A partir du 18e siècle, s'amorce une concentration de la production. De nombreuses manufactures sont construites en ville pour le tissage, tandis que la filature s'effectue encore à la campagne. En 1750, 85 fabricants utilisent près de 824 métiers, tissant plus de 18 000 pièces de draps. En 1785, l'industrie drapière d'
Elbeuf-sur-Seine fait vivre près de 20 000 personnes. Les manufactures, localisées sur les paroisses Saint-Etienne et Saint jean et intégrées dans le tissu urbain, occupent des parcelles étroites et s'étirent sur des fonds très allongés. elles comprenent fréquemment une cour, fermée par le logis sur rue et bordées d'atelier à étages. Leur parti architectural s'inscrit dans un modèle d'architecture à pans de bois courant dans la région. Elles se distinguent néanmoins par leurs dimensions, leur grand nombre de baies et leur comble ouvert. celles qui se trouvent en bordure du petit cours d'eau du Puchot, ont toujours en fond de parcelle une teinturerie ou un atelier d'apprêt. En 1785, 32 établissements profitent de la qualité de son eau sur moins d'un kilomètre. trop peu puissant, il n'a pu servir comme force motrice, et au début du 19e siècle, les premières manufactures mécaniques se dotent de manèges à chevaux. Leur présence est encore significative vers 1830. Après cette date, les machines à vapeur s'imposent. La première du département est installée à
Elbeuf-sur-Seine en 1817 chez le manufacturier Lecailler.
La généralisation de l'énergie thermique et la mécansiation de la filature et des apprêts, vers 1830, entraînent le passage de la manufacture à l'usine avec une modification de l'architecure industrielle.
Elbeuf-sur-Seine se peuple d'usines en brique que dominennt de hautes cheminées. L'utlisation de ka brique permet la construction d'ateliers plus vastes et plus solides, permettant une concentration de la prodcution et supprotant des machies plus lourdes. Cependant, l'ossature intérieure demeurant en bois, les usines sont encore très souvent la proie du feu. Les nouvelles usines sont édifiées dans les faubourgs de la ville, sur des terrains auparavant utilisées comme clos à rames. En 1842, la ville compte 120 établissements lainiers, fabricant 85 000 pièces dont 2/3 de drap uni et 1/3 de nouveuté. Ce qui représente en valuer plus de la moitié du produit national.
Elbeuf-sur-Seine emploie alors 17 000 ouvriers. L'année suivante, la municipalité introduit la ruche dans son blason, citant Bonaparte : «
Elbeuf-sur-Seine est une ruche, tout le monde y travaille».
Le Second Empire est pour la ville une période de croissance exceptionnelle, malgré la concurrence de l'industrie lainière du Nord.
Elbeuf-sur-Seine produit en 1863 près de 10 millions de mètres de drap, pour une valeur de 110 millions de francs. C'est aussi l'ère des premières expossitions universelles : 32 drapiers représentent
Elbeuf-sur-Seine à Paris en 1855, avec leurs produits : draps unis et de couleurs pour uniformes civils ou militaires, livrées, voitures, billards, et leurs innovations techniques : lainerie continue, tonduese transversale, cachemirienne.
L'après-guerre franco-allemande de 1870, marque dans l'histoire d'
Elbeuf-sur-Seine, l'avénement d'une époque nouvelle. En effet, l'annexion de l'Alsace à l'Allemagne provoaue l'émigration massive de fabricants et d'ouvriers alsaciens vers les grands centres drapiers français. Les raisons de cet exode sont essentiellemnt économiques : les clauses douanières du traité de Francfort fermaient aux drapiers alsaciens, le marché français pour lequel la production était adaptée. En 1871, l'agglomération elbeuvienne accueille près de 2000 alsaciens. cette immigration accentue son caractère mono-industriel. Les alsaciens s'établissent dans la partie sud de la ville, à proximité de la nouvelle gare. Ils édifient de vastes usinesmodernes, entièrement mécanisées, où toutes les phases de la fabrication sont intégrées, depuis le traitement de la laine jusqu'à l'apprêt du drap. Les alsaciens deviennent très vite de redoutables concurrents pour les fabricants elbeuviens dont les établissements, plus modestes, conservent des méthodes de fabrication traditionelles. certaines usines sont contraintes de se regrouper, d'autres ferment. Cette tendance explique le fléchissement du nombre des établissements sur l'agglomération, avec néanmoins, en 1895 : 60 tissages, 14 filatures, 15 usines d'apprêts et 7 teintureries.
La Première Guerre mondiale avec les besoins de l'armée en drap d'uniforme et l'occupation des régions lainières du Nord, marque l'apogée de l'industrie elbeuvienne. On produit en moyenne 7 millions de mètres de drap par an.
La situation de l'industrie lainière reste stable jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, mais périclite ensuite face à la conccurence des tissus synthétiques. Ne voulant ni se moderniser, les usines d'
Elbeuf-sur-Seine ferment tour à tour. Plus d'une trentaine d'entre elles déposent le bilan dans les anées 60. La fermeture de l'usine Blin et Blin en 1976 sonne le glas de l'industrie du drap à
Elbeuf-sur-Seine. Aujourd'hui, la ville conserve un patrimoine architectural remarquable, témoin de ce riche passé.