Les nu-pieds de Mantilly (1639-1644)
A cette époque,
Mantilly était une grosse paroisse du Passais, assez pauvre. Dès 1596, elle adresse une instance, avec d'autres paroisses de la Vicomté de
Domfront, «affin d'avoyr exemption de tailles et aultres subsides en quoy les habitans pourroient estre cotisés, a cause des incursions, assasignacts, volleryes, viollemens de femmes et filles, brûllemens et insendiemens de maisons et ravaiges de leurs biens meubles, lettres et documents, par eulx souffert... par les rebelles et ennemys de la dicte Majesté tenant le party contraire au pays de Bretaine.»
N'ayant pas eu satisfaction,
Mantilly renouvella en 1598, sa réclamation et obtint une remise pour cinq ans " vu la pauvreté et insuffisance de la paroisse. Mais dès 1635, la guerre avec l'Allemagne étant ruineuse, il fallut trouver des ressources et augmenter les impots et contributions. Ainsi le gouvernement envisagea d'instaurer la gabelle dans les élections d'"Avranches", "Valognes", "Carentan", "Coutances", "Mortain" et "Domfront" qui en étaient exemptées. Cette rumeur déclencha de nombreuses émeutes avec pillages et incendies dans ces régions.
En 1639,les gens de
Mantilly qui continuaient à ne pas payer leurs impôts se mirent en rapport avec leurs voisins et la révolte s'etendit, autour de
Domfront, sur "l'Epinay",
Lucé, puis sur la Mayenne ( Lesbois, Vaucé, Desertines), et la Manche (
Barenton,
Saint-Cyr-du-Bailleul). Le nombre de révoltés atteignit 800, quelques prêtres se joignirent à eux. Mais il n'y eu aucun pillage, incendie ou assassinat.
Sur ordre de l'intendant d'Alençon, une compagnie de chevaux légers fut envoyée sur place et mise en garnison chez l'habitant. Mais les paysans, exaspérés, la chargèrent, un cavalier fut blessé de deux coups de mousquet et la compagnie pillée fut forcée de se retirer.
Une commission d'enquête, avec quatre archets fut envoyée en février 1640 et s'installa à
Domfront. Elle ordonna l'arrestation des individus compromis et la mise sous sequestre de leurs biens, puis réunit une troupe de 600 hommes de pied, convoqua la noblesse et se dirigea vers
Mantilly. Mais les séditieux s'étaient dispersés et il n'y avait plus que trois homme dans le bourg. Grâce à leur bonne connaissance de la région et la complicité des habitants, aucun des coupables ne fut repris (Cent cinquante ans plus tard, les Chouans bénéficieront des mêmes atouts).
Vingt cinq coupables furent identifiés par la justice et le 27 juin 1640, à
Alençon, leur procès eut lieu. Ils furent condamnés « a estre pendus et estranglés à une potence.. pour après, leurs corps morts, estre portés aux fourches patibulaires et attendu qu'ils n'ont pu estre appréhendés seront pendus en effigie.. tant devant le Palais de ce lieu qu'en la place accoustumée de faire exécution de la ville de
Domfront». Aucun n'ayant été repris cette sentence ne fut pas exécutée.
La confiscation des biens des accusés, ainsi que des amendes furent aussi prononcées à l'encontre des habitants de
Mantilly, solidairement responsables: 600 livres d'amende et 2000 livres d'indemnité pour les deux chevau-légers blessés. De plus, pour avoir refusé de fixer l'assiette des tailles, conspiré et participé aux rebellion, 2000 livres d'amende qui seront versées par six des principaux habitants de
Mantilly.
Mais dès 1641, de nouvelles résistances au paiement des impots se produisirent.En 1643 à
Mantilly, un sergent venu saisir meubles et bestiaux fut pris à partie, par voisins et parents. Ayant fait feu sur ses agresseurs, ils ripostérent et l'huissier blessé mourut quelques jours plus tard.
Saint-Fraimbault, "l'Epinay",
Passais-la-Conception s'agitèrent à nouveau. A
Ceaucé, un détachement du régiment du Havre (
Le Havre), logé chez un habitant nommé Brun-Colin, fut désarmé et dépouillé par les habitants. Des mesures de repression furent immédiatement prises. la maison de Brun-Colin fut rasée et des coupables arrêtés. Mais grâce à la médiation de gentilhommes du pays, la présence plus que l'emploi de la force calmèrent les habitants qui promirent de payer les arriérés d'impôts. Mais il était plus facile d'arracher aux pauvres paysans des promesses que de l'argent. En décembre 1644, l'arriéré des impôts de
Mantilly n'ayant pas été acquitté, l'on y envoya des gens de guerre, pour y demeurer en garnison chez l'habitant, jusqu'à paiement définitif.
Bibliographie: Les nus-pieds de
Mantilly, M.L. de la Sicotière, Société historique et archéologique de l'Orne, 1889.
